Origine et évolution

Dès les XIe et XIIe siècles, le culte de saint Léonard s’est répandu dans l’Europe entière et jusqu’en Terre Sainte. Il demeure encore très vivace dans certains endroits très éloignés du Limousin et de la France. Un certains nombres d’enquêtes visant à inventorier le nombre de ces lieux dédiés à saint Léonard comme à déceler la nature du culte qui est rendu au saint, ont été entreprises depuis le XIXe siècle. Chacune apporte sa pierre à un édifice dont l’ampleur étonne chaque jour davantage. C’est à cette vaste entreprise que s’est consacrée, depuis plusieurs années l’association Connaissance et Sauvegarde de Saint-Léonard. Elle a proposé dans l’organisation en 1994 de l’exposition Saint Léonard et les chemins de l’Europe (XIe – XVIIIe siècle) l’essentiel des résultats de sa recherche à travers une iconographie en provenance de toute l’Europe. Ainsi, près de 1200 lieux de culte dédiés à saint Léonard ont-ils été identifiés et cartographiés, présents dans près d’une vingtaine de pays. Ce travail de recherche continue encore aujourd’hui à être enrichi et complété.

Le culte du saint patron des prisonniers a été principalement véhiculé par les routes de pèlerinage ce qui témoigne, par l’iconographie notamment, d’un Occident médiéval dans lequel il n’existait pas de frontières culturelles particulières. Saint-Léonard-de-Noblat est une étape du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle et se trouve sur la route jacquaire provenant des pays germaniques. C’est donc naturellement que le culte de saint Léonard se développe particulièrement dans cet espace géographique. Le charisme libérateur de saint Léonard prend également un écho important dans une société médiévale où l’emprisonnement et la prise d’otage lors des conflits sont des procédés courants, en particulier la capture de personnages illustres (Richard Cœur-de-Lion, Bohémond de Tarente). Ainsi, les pèlerinages de ces anciens prisonniers de marque servent de caisse de résonance au culte de saint Léonard. Dans le même registre, les déplacements militaires des croisés permettent également de propager la Vie de Léonard comme se fut le cas en Terre sainte ou au Portugal avec le croisé limousin Guillaume de La Corny qui aurait participé à la conquête de Lisbonne alors aux mains des Arabes au XIIe siècle et qui serait à l’origine de l’implantation du culte à Atougia da Baleia.

Le principal vecteur en Europe demeure néanmoins la diffusion des manuscrits relatant la vie de saint Léonard. À partir de 1030, ces manuscrits se sont multipliés dans toutes les bibliothèques monastiques d’Europe. Ils ont porté les faits et gestes miraculeux de l’ermite Léonard d’abbayes en abbayes, de villes en villes bien au-delà des frontières de Noblat. Plus de 150 manuscrits datant des XIe, XIIe et XIIIe siècles existent toujours. La comparaison des textes des différentes périodes ne révèle pas de variantes majeures. Waleran de Bamberg, évêque de Naumbourg (1091-1111) fit connaître la vie de saint Léonard en Allemagne actuelle après l’avoir recopiée à Noblat vers 1106. Le culte à saint Léonard prend une importance telle dans les pays germaniques qu’en 1520, saint Léonard remplace saint Cyriaque de Rome parmi les 14 saints intercesseurs, c’est-à-dire les saints invoqués au secours d’une situation urgente. À Liège et ses environs, saint Léonard est le patron des houilleurs, qui devaient s’en remettre à lui pour ne pas rester prisonniers sous terre. Il est représenté avec une benne tenant trois mineurs suspendue à son bras droit.

Dépôt d’ex-voto, Zwickenberg, Autriche

Le culte rendu à saint Léonard s’est accompagné de multiples offrandes, soit pour obtenir une délivrance (prison, maladie, accouchement ou esclavage comme à Malte), soit pour remercier le saint pour son aide efficace. Ces ex-voto sont très nombreux et se partagent entre deux grands types: peintures sur bois, métal ou verre et objets métalliques en forme d’animaux, de personnages, fers à cheval, chaînes. Les églises de Bavière, territoire où le culte est très implanté, regorgent de ce genre d’objets si bien que le Bayerisches National Museum de Munich en conserve une importante collection. Dans le sud de l’Allemagne, certaines églises sont ceinturées par une chaîne comme à Tamsweg en Autriche en 1613. Ces ex-voto particuliers peuvent être la conséquence d’une action de grâce collective mais aussi sont le résultat de la fonte des multitudes fers à cheval ou autres objets apportés près du saint et dont l’abondance posait des problèmes de conservation. Le procédé d’entourer les églises de chaînes évitait d’enterrer ou de détruire le surplus des ex-voto des fidèles.


Fêtes et traditions

À l’occasion des recherches qui ont été faites, plusieurs confréries de saint Léonard ont été découvertes en France comme à l’étranger. Les bannières, un des objets centraux de la confrérie et du mobilier cultuel de la paroisse, sont sorties pour les processions ou cérémonies en l’honneur du saint, comme pour les Ostensions limousines, les chevauchées de Bavière ou la fête de saint Léonard à Zoutleeuw en Belgique. Il est en revanche difficile de trouver des bannières antérieures au XIXe siècle.

Timbre pour le 150e anniversaire du pèlerinnage de Bad Tölz (Allemagne) en l’honneur de saint Léonard (2005)

Le 6 novembre de chaque année, de nombreuses paroisses de Bavière honorent leur saint patron Léonard par des offices religieux et des chevauchées processionnaires dont chacune d’entre elles réunit plus d’une centaine de chevaux, parfois deux cents, et plusieurs dizaines de Truhenwagen (chariots-bahuts) ornés d’images votives et de représentations de saint Léonard. Ils transportent autorités municipales, clergé, enfants de chœur, fanfare, associations, groupes de jeunes filles et de femmes en costume traditionnel dans un cortège somptueux et pittoresque pour rendre hommage au saint des paysans bavarois et qui parfois rejoue des scènes de sa vie. Certaines paroisses procèdent différemment mais le cheval ou le bétail demeure central. Par exemple, à l’occasion de la Kauferinger Leonhardifahrt (chevauchée annuelle de saint Léonard) à Kaufering en Bavière, l’iconographie populaire érige en symbole de “Léonard protecteur des chevaux” un fer à cheval. Cette extension du culte au cheval se retrouve également dans certains exemples italiens comme dans la paroisse de San Leonardo in Passiria où les chaînes de prisonniers que saint Léonard porte dans ses mains furent assimilées aux chaînes des freins de charriots. Ainsi, de nombreux fers à cheval ornent la porte de l’église: ils furent offerts par les charretiers pour remercier saint Léonard de les avoir sauvés d’un danger.