La ville et sa commune

Développement & prospérité

Si la tradition légendaire fait remonter les origines de la ville de Saint-Léonard-de-Noblat à l’installation des anciens prisonniers et des premiers pèlerins près du tombeau du saint ermite, ce qu’on en connait ne commence réellement qu’avec la multiplication des archives aux XIe, XIIe et XIIIe siècles.

Des fouilles archéologiques ont bien révélé la présence d’une implantation humaine en centre ville antérieure à l’an Mil, ainsi que le long du vieil itinéraire dans le cimetière de Champmain (fragments de sarcophages en calcaire, matériaux antiques en réemploi…), mais rien ne permet d’en préciser la nature et la date.

À partir du XIe siècle, alors que le pèlerinage se développe, communauté religieuse et communauté des habitants se structurent. Grâce au large développement du culte voué à saint Léonard et des activités commerciales allant de pair, Noblat connaît une large expansion. Le bourg s’organise dès lors autour de deux pôles de développement: un pôle à vocation commerciale et d’habitat, centré sur le carrefour routier situé à l’emplacement de l’actuelle place de la République, et un pôle religieux autour des églises Notre-Dame-de-sous-les-Arbres, Saint-Étienne, l’hôpital et surtout de la collégiale dont la construction débute au milieu du XIe siècle pour s’achever au XIIIe siècle. La rue des Étages avec ses étals et la grande rue Fonpinou relient les deux quartiers.

Les clercs chargés de veiller sur les reliques et d’accueillir les pèlerins s’organisent sous l’impulsion de leur ancien prévôt Jourdain de Laron, devenu évêque de Limoges en 1023. En 1105, ils forment un Collège de chanoines réguliers. Ils agrandissent leur domaine et deviennent responsables de plusieurs paroisses en ville et aux alentours.

Dans la deuxième moitié du XIIe siècle, la ville s’entoure d’un fossé sec et d’importants remparts. Huit portes avec tours et pont-levis en permettent l’accès. Elle prend dès lors la physionomie que le centre ville actuel à toujours conservé. Le cimetière principal est à Champmain, hors les murs de la ville, et la maladrerie en bordure du Tard sur la route de Paris, non loin du domaine du Temple. Dans le même temps, la communauté des habitants a obtenu des souverains Plantagenêt des privilèges et périodiquement, de Louis VIII en 1224 à Louis XV, les rois de France les ont confirmés. La commune est alors dirigé par huit consuls élus pour un an. Ceux-ci sont responsables de l’organisation générale de la Cité. Ils ont un sceau, une bannière et siègent à la Maison de la Ville.

Au fil des années, les bourgeois de Saint-Léonard ont acquis une autonomie et certains bénéfices assez mal vue du seigneur de la Ville, l’évêque de Limoges, dont le château, installé à Noblat sur la rive gauche de la Vienne, matérialise la puissance. Celui-ci entend faire prévaloir ses droits: un long procès l’oppose à la Commune de 1279 à 1307. Finalement, la Commune doit abandonner son autonomie tout en gardant ses consuls, et l’évêque récupère une partie de ses anciennes prérogatives et associe le roi de France à tous ses droits de seigneurie et de justice.

Fouilles archéologiques en 1996, tour d’enceinte, jardin de Rigoulène. Cl. Paul Colmar.

Plusieurs faubourgs se développent à partir du XIIIe voire du XIIe siècle le long des axes sortant de la ville murée. Les deux plus importants sont les faubourgs Banchereau (ancienne voie d’accès principale en venant du nord et de l’est, actuellement route d’Auriat) et Bouzou (actuelle route de Bujaleuf). Additionnés à la surface intra-muros, ils donnent à Saint-Léonard une forme et un développement qui n’évolueront que dans de très faibles proportions jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle. Le faubourg du Pont-de-Noblat occupe une place à part. À l’écart du bourg car installé en bord de Vienne, il existe depuis le XIe siècle au plus tard. Il s’étend de part et d’autre d’un pont attesté au XIIIe siècle, construit en remplacement d’un autre pont, ayant lui-même succédé à un passage à gué utilisé dès avant la conquête romaine. Surplombé par une motte castrale, édifiée vers l’an Mil, et très tôt doté de nombreux moulins et d’une église paroissiale à la fin du Moyen Âge, le Pont-de-Noblat eut longtemps les allures d’un véritable bourg.

Lors des querelles entre les Plantagenêt ducs d’Aquitaine et rois d’Angleterre, et le roi de France et ses partisans, les “Paillers” attaquèrent la ville en 1183. Les “Brabançons” l’occupèrent plusieurs années avant d’en être chassés par les troupes de l’évêque de Limoges en 1204. Puis, Jean-sans-Terre, roi d’Angleterre, y entra avec son armée en 1214, avant que le roi de France ne redevienne maître de la région. Par sa présence sur le grand itinéraire routier nord-sud, la ville de Saint-Léonard fut souvent à la merci des bandes armées qui sillonnèrent la région à différentes époques.

Au début de la Guerre de Cent-Ans et particulièrement de 1369 à 1373, lors de la chevauchée du Duc de Lancastre puis des représailles françaises, le château de Noblat fut en partie détruit et les remparts de la Ville et de nombreuses maisons fortement endommagées.

À l’époque des Guerres de Religion, en 1575, les habitants massacrèrent et chassèrent les calvinistes qui occupaient la ville et voulaient profaner les reliques. Pendant plus de dix ans encore, les passages de troupes successives ravagèrent les environs de Saint-Léonard. Il faudra attendre la fin des Guerres de Religion et le XVIIe siècle pour trouver une nouvelle prospérité.

À la suite de ces périodes troublées, la vie religieuse se renouvelle et s’exprime sous d’autres formes, les pèlerinages ayant perdu de leur importante. Deux communautés religieuses s’installent à Saint-Léonard: les Récollets en 1594, hors les murs mais près d’un rempart non loin de la porte Aumônière, et les filles de Notre-Dame en 1652, près de la Collégiale. Une grande partie des habitants se groupe au sein de confréries de métiers ou de dévotion qui jouent jusqu’au milieu du XIXe siècle un rôle important dans la vie sociale des habitants de Saint-Léonard. Trois confréries de Pénitents sont fondées en ville: les Pénitents Blancs s’installent à Saint-Martin de Champmain, les Pénitents Bleus à Saint-Jérôme en 1612, et les Pénitents Feuilles-Mortes en 1627 à Saint-Martial puis à Sainte-Madeleine au cimetière.

Les Miaulétous* connurent de longues années de prospérité, au XIIIe siècle puis à partir du XVIIe. Ils surent développer des activités artisanales et commerciales. L’eau fournissait la force motrice aux nombreux moulins installés dès le XIIIe siècle sur la Vienne (moulins de Noblat) et sur tous les cours d’eau, même les plus petits. La commune, dans sa limite actuelle, en a compté plus de cinquante: moulins à farine et à huile, moulins foulons et à tan, martinets (moulins à battre le cuivre), et à partir du XVe siècle, moulins à papier. Les diverses fabrications: chaudronnerie, tissus, cuirs, papiers, fournissaient la matière d’un commerce à la fois local et lointain; les marchands de la ville fréquentaient les Foires de Champagne; le papier de Saint-Léonard se vendit en Hollande et à Paris jusqu’au milieu du XIXe siècle.

Les nombreuses maisons du XVIIIe siècle que l’on peut admirer en visitant la ville et la construction du pont neuf en 1785 reflètent la prospérité retrouvée et l’enrichissement progressif de ses habitants. Devenus inutiles, les remparts furent démolis progressivement pour laisser la place aux boulevards actuels et à la nouvelle grande route de Limoges-Lyon. De ces remparts et de ces portes, il ne reste aujourd’hui que peu d’éléments visibles: une pile de porte à l’extrémité de la rue Victor Hugo, des supports de mâchicoulis au bout de la rue Jean Jaurès et la base d’une tour en bordure du boulevard Carnot. À la fin du XVIIIe siècle, la ville et ses banlieues comptaient plus de 6000 habitants; c’était la quatrième ville du Limousin.

La période révolutionnaire n’a pas apporté de changements notoires. Les mêmes familles ont dirigé les affaires municipales avant, pendant et après la Révolution française. Les communautés religieuses sont supprimées ainsi que les anciennes paroisses de Saint-Étienne, Saint-Michel, Saint-Martial du Pont et La Chapelle. Bâtiments et églises, vendus comme biens nationaux à partir de 1793, sont transformés ou démolis. Une seule paroisse couvre la zone urbaine de Saint-Léonard, et la Collégiale devient une église paroissiale. La ville prend le nom de Tard-Vienne en 1793 puis de Léonard-sur-Vienne, pour retrouver très vite son ancien nom de Saint-Léonard.

*Miaulétous: nom donné aux habitants de Saint-Léonard en raison des milans voletant dans le clocher. Ces oiseaux sont aussi appelés des miaules dans la région.

Transformation & déclin

À partir du XIXe siècle, le viel itinéraire routier qui avait fait la fortune de Saint-Léonard a perdu de son importance face à l’arrivée du chemin de fer et l’inauguration de la ligne Limoges-Eymoutiers en 1881. L’évolution des techniques tant agricoles qu’industrielles transforma l’économie. L’industrie de la porcelaine s’établit à partir de 1824 dans les environs. Aussi, Saint-Léonard, qui a fourni à Limoges une des premières familles d’imprimeurs, a vu s’installer une puis deux imprimeries. À la campagne tout change. C’est la généralisation de la culture de la pomme de terre, le chaulage des terres, la suppression de la jachère et surtout le développement de l’élevage bovin lié à celui des cultures fourragères. Saint-Léonard s’enorgueillit d’être le berceau de la “race bovine limousine” dont le herd-book fut crée en 1886. L’industrialisation trop lente et tardive a cependant mis en péril des activités jusque là artisanales. Le virage du progrès technique sonne paradoxalement le glas de la deuxième période de prospérité depuis le XVIIIe siècle alors que Saint-Léonard était encore au milieu du XIXe siècle au premier rang dans le département pour l’industrie du cuivre et dans les premiers rangs pour la tannerie.Trois moulins à papier sur la Vienne s’étaient reconvertis en usines pour la fabrication du papier-paille; des filatures s’étaient maintenues. Aujourd’hui subsistent un moulin à blé sur la Vienne, une papeterie, une tuilerie jusqu’en 2002, une tannerie conservant la tradition des peaux préparées à l’ancienne. Trop proche géographiquement de Limoges, la ville n’a pas pu résister à une forte centralisation des activités et des voies de communication au cours du XXe siècle.

Les roues des moulins ont disparu, mais les cours d’eau fournissent maintenant l’électricité. Un antique barrage restauré et modernisé à Beaufort en 1894 alimente, en Régie Municipale, une partie de la commune. Un barrage EDF beaucoup plus récent et important, sur la Maulde, à Lartige, est le premier d’une série qui permet en même temps l’établissement de plans d’eau. D’autres moulins comme Farebout et Maquetaud ont été également transformés en micro-centrales hydroélectriques.

Au XIXe siècle et même jusqu’en 1939, la cité ne dépassait guère ses boulevards et une quantité prodigieuse de petits commerces l’animait. La ville connaît une expansion importante à partir de l’après-guerre, liée à la construction de cités, de lotissements et d’équipements sportifs ou de loisirs. Entre les années 1950 et le début du XXIe siècle, sa surface est presque multipliée par dix et Saint Léonard incorpore dorénavant le faubourg du Pont-de-Noblat jusque là isolé. La ville s’est étendue le long de la RN 141 en direction d’Aubusson et a gagné du terrain vers l’est, où le relief était plus favorable à l’implantation de nouveaux quartiers. Cette transformation liée à l’évolution des mœurs et de la société, s’est produite malgré une population communale en légère mais constante baisse depuis un siècle. Saint-Léonard compte aujourd’hui un peu moins de 4500 habitants. Aussi, la proportion de la population urbaine a largement dépassé la moitié du total alors que pendant longtemps, population urbaine et population rurale étaient équilibrées. Cependant, Saint-Léonard conserve ses marchés du samedi matin, sous la hall et sur la place, et ses foires du premier lundi du mois.

Préservation & valorisation

Inscription au patrimoine mondiale de l’UNESCO en 1998

La vocation touristique de la ville s’affirme de plus en plus. Elle donne à voir au visiteur les beautés architecturales de sa cité médiévale mise en valeur par des restaurations récentes et de sa collégiale inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1998. Chaque été, les associations et différents organismes locaux se relaient pour animer la ville: manifestations sportives, concerts (Été musical), expositions (Biennale de la Peinture etc.), foire à la brocante, braderie et fête de la viande bovine limousine, après le 15 août.

La ville de Saint-Léonard-de-Noblat est inscrit en secteur sauvegardé. Ils furent créés par la loi du 4 août 1962, dite loi Malraux en référence au ministre de la Culture de l’époque. Le code de l’urbanisme indique que “des secteurs dits secteurs sauvegardés peuvent être créés lorsqu’ils présentent un caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles bâtis ou non”. Parmi la centaine de secteurs sauvegardés créés en France depuis 1962, Saint-Léonard-de-Noblat est la première ville en Limousin à s’être dotée d’un tel outil d’urbanisme, permettant la préservation du cadre de vie des habitants et la valorisation de l’attrait touristique du bourg.

Le premier pas vers la création d’un secteur sauvegardé est celui de la définition du périmètre de la zone à protéger. Celui de la ville de Saint-Léonard-de-Noblat a été crée par arrêté préfectoral le 26 novembre 2008. Il délimite un espace de 22,5 hectares, incluant notamment le bourg intra-muros et ses deux anciens faubourgs. Tout projet de construction, démolition ou modification, intérieure ou extérieure, dans ce périmètre, est dès lors soumis à l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF), même pour les travaux ne requérant pas habituellement d’autorisation, et doit faire l’objet d’une demande en mairie. Le second pas est la réalisation du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV). Il est constitué d’un plan détaillé du secteur sauvegardé et d’un règlement permettant de définir les normes architecturales et urbaines à suivre. Il se substitue au Plan Local d’Urbanisme (PLU) dans les limites du périmètre défini. Élaboré par un chargé d’études spécialisé, architecte du patrimoine, entouré d’une équipe de spécialistes (archéologues, historiens…), sous maîtrise d’ouvrage du ministère de la Culture, il est soumis à enquête publique après avis de la commission locale du secteur sauvegardé et approbation par le conseil municipal et la commission nationale des secteurs sauvegardés.

La ville de Saint-Léonard-de-Noblat fait partie du label Pays d’art et d’histoire de Monts et barrages. Le label “Villes et Pays d’art et d’histoire” est attribué aux collectivités qui s’engagent en faveur de la valorisation et de l’animation de leur patrimoine, en direction de trois principaux publics: les jeunes, les habitants et les touristes. Une convention, signée entre la collectivité et le Ministère de la Culture et de la Communication, fixe les objectifs du label: initier le jeune public à l’architecture, au patrimoine et à l’urbanisme, sensibiliser les habitants à leur cadre de vie, inciter à un tourisme de qualité, et communiquer sur le patrimoine du territoire.